Exemple article avec sommaire
Joël HEDDE retrace l’histoire (1948-1994) de la fédération de l’éducation national (FEN-CGT) à la fédération de l’éducation, de la recherche et de la culture.
1948-1954 : Une naissance dans la douleur
La création de la FEN-CGT le 23 mars 1948 est la conséquence de la scission qui s’est produite dans la CGT fin 1947 et qui s’est concrétisée par le départ de la fraction Force Ouvrière de la CGT.
Suite à ce départ, les organisations (syndicats et fédérations) sont appelées à se prononcer par un vote sur le choix de leur appartenance confédérale entre la CGT et Force Ouvrière.
Si la plupart des organisations optent pour l’une ou pour l’autre confédération, un petit nombre, pour des raisons diverses, choisit la voie de l’autonomie. La FEN, à une faible majorité, fait ce dernier choix, à l’exception de deux organisations, le syndicat des agents de lycées et le syndicat des personnels des centres d’apprentissage composé essentiellement d’enseignants du technique court, souvent recrutés parmi les ouvriers qualifiés, qui choisissent l’affiliation à la CGT.
L’organisation de la FEN en tendance depuis le congrès du SNI (syndicat national des instituteurs) en 1946 et la forte minorité obtenue, lors de la scission, par la CGT (39%) dans le choix opéré, conduisent la fédération autonome à accepter que ses adhérents puissent avoir une « double affiliation », c’est-à-dire, adhérer et militer en même temps à la FEN et à la CGT ou à FO (la double appartenance FO-FEN existe par exemple au syndicat de l’AFPA). Ces doubles affiliés et les syndicats qui ont choisi de rester à la CGT vont se constituer en fédération dans la CGT (FEN-CGT).
Un nombre non négligeable d’instituteurs, d’enseignants de lycées, de professeurs d’université, se trouvent ainsi membre de la FEN-CGT et militent dans les syndicats autonomes. La secrétaire générale, Jacqueline Marchand, agrégée, est elle- même enseignante dans le second degré.
En 1949 la FEN-CGT se définit comme une véritable Fédération pour les syndicats nationaux qui comptent 14.000 adhérents et une Fédération d’orientation « guide pour l’action, dans les syndicats autonomes, en ce qui concerne les doubles affiliés » qui sont 19.887 regroupés dans 88 syndicats départementaux. En 1951 la composition des délégués au congrès donne une vue assez exacte des rapports entre catégories au sein de la Fédération.
– 94 du 1er degré dont 2 Ecole Normale
– 21 du 2ème degré
– 8 de l’enseignement technique long
– 4 de l’enseignement supérieur
– 2 professeurs d’Ecole Normale
– 15 des centres d’apprentissage,
– 1 enseignement technique court
– 4 agents de lycée
– 2 culture populaire
– 1 CNRS
Si les doubles affiliés se veulent porteurs des questions de l’école au sein de la CGT, ils se considèrent comme de véritables « missi dominici » au sein des syndicats autonomes qu’ils sont chargés de conquérir. Les résultats des élections à la commission administrative du SNES en 1951 donne aux listes unitaires (présentées par les militants CGT, doubles affiliés), 20% pour les certifiés, 30% pour les agrégés, 40% pour les maîtres d’internat et 50% pour les adjoints d’enseignement ce qui dans un climat de guerre froide exacerbé n’est pas négligeable. Mais, déjà, certains militants considèrent la double affiliation insurmontable et constatent que souvent une réunion FEN-CGT « ce ne sont que quelques instituteurs qui discutent cuisine électorale du SNI en dehors des autres composantes de la Fédération agents et centres d’apprentissage ».
La situation est complexe et Benoît Frachon, Secrétaire Général de la CGT participant au congrès de la FEN-CGT les 21/23 juillet 1952 s’adressant plus particulièrement aux instituteurs qui ont participé au récent congrès du SNI autonome, il les interroge sur leur comportement à propos des questions unitaires :
« Il est, surtout dans la période présente, suffisamment de revendications et d’assez importantes qui font l’unanimité des travailleurs, y compris ceux du corps enseignant, pour nous ouvrir de larges possibilités d’action.
Le récent congrès du syndicat autonome des instituteurs, des libertés, de la défense et de la paix, ce congrès a démontré que l’ensemble des instituteurs était sur l’essentiel.
Pour vous, militants de ce syndicat qui êtes ici, c’est ce que vous devez retenir de ce congrès.
Je dois vous dire d’ailleurs qu’après la manifestation de cette volonté unanime, j’ai été étonné de vous voir soutenir une motion dite « d’orientation ».
A moins que vous ne l’ayez soutenue simplement pour l’opposer à d’autres motions, je vous avoue que je ne vois pas bien ce qui pouvait être recherché comme orientation de l’activité présente d’un syndicat en plus des points sur lesquels tous les instituteurs ont exprimé leur accord.
Il y a chez les instituteurs de gens qui pensent de façon différente sur tel ou tel problème ; il y a des socialistes, des communistes, des sans parti, bien sûr, camarades.
C’est le cas de tous les syndicats de la CGT. Ce n’est pas le rôle des syndicats de les départager, de leur faire la leçon ou de prétendre indiquer à une partie d’entre eux qu’ils sont dans les syndicats en intrus ou qu’ils seront brimés pour leurs opinions.
Si une motion d’orientation n’a pour but que de préciser cela, elle est inutile ; si elle vise à introduire des mesures ou des affirmations partisanes, elle est nuisible et contraire à l’unité et aux intérêts de tous les instituteurs, vous avez alors parfaitement raison d’en dénoncer le caractère et de voter contre. » Dans un langage feutré, il s’agit d’une sévère mise en garde contre les comportements sectaires de certains camarades.
En fait de 1948 à 1954, au sein de la FEN- CGT, les débats tournent autour de la manière dont les doubles affiliés peuvent mener leur activité. L’ « action syndicaliste Universitaire », journal de la Fédération, lors des congrès du SNI et du SNES, donne des consignes de vote aux syndiqués et FEN- CGT et tendance unitaire se confondent souvent, ce dont se plaignent amèrement les syndicats nationaux constitués (centres d’apprentissage, agents de lycée, éducation populaire...).
En 1953, schématiquement trois courants se dessinaient sur ces questions au sein de la FEN-CGT, l’un, très minoritaire, qui s’exprimait d’ailleurs plus au sein de l’UGFF (Union Générale des Fédérations de Fonctionnaires) pensait qu’il fallait mettre fin à la double affiliation pour développer avec les militants de la CGT, des syndicats CGT concurrents de ceux de la FEN. Le deuxième courant, majoritaire, pensait qu’il fallait batailler au sein de la FEN pour faire prévaloir le syndicalisme de la CGT dans cette dernière. Enfin, un courant qui va prendre de l’importance, en s’appuyant sur le constat de l’affaiblissement de l’audience de la FEN-CGT (les résultats des unitaires aux élections internes de la FEN est passé de 36,6% en 1948 à 22% en 1951, les adhérents doubles affiliés de 19000 à 8000 environ) souhaite mettre fin à la double affiliation pour que le travail de tendance soit relayé par le PCF. Un nombre non négligeable de militants communistes considéraient à tort ou à raison que les enseignants étaient plus sensibles au travail politique que syndical.
À la fin de 1953, dans le cadre de la préparation du Congrès de la FEN-CGT qui doit se tenir le 27 décembre, des tentatives ont lieu pour faire prendre par le Congrès la décision de mettre fin à la double affiliation. Au cours d’un bureau le 25 novembre, la question est posée et le bureau se divise, Jacqueline Marchand, secrétaire générale, se prononce pour le maintien de la double affiliation et entraîne l’assentiment d’une faible majorité des présents, mais une forte minorité s’exprime contre la double affiliation, ce sont des militants communistes actifs et connus (Fournial, Guilbert, Grador..), Delanoue, militant communiste également est plus nuancé, il propose un changement de méthode visant à moins de sectarisme et à dissocier davantage la FEN-CGT de la tendance.
Les 1er et 12 décembre des entrevues ont lieu avec Benoît Frachon qui au cours de la discussion indique « que la double affiliation est une chose anormale si elle dure ». De même Charret, militant de l’UD (Union Départementale) de la Seine, fait part d’une rencontre qu’il a eue avec H.Krasucki, alors secrétaire à l’UD, lui disant « que l’arme des diviseurs est la tendance, il n’y a pas de tendance à la CGT, ce n’est donc pas logique avec l’existence de la FEN-CGT et la suppression de la double affiliation serait logique ».
La question divise tellement qu’il est décidé lors d’une nouvelle réunion du bureau le 24 décembre d’éviter l’affrontement au Congrès et ce dernier maintient le statut quo.
Dès le 5 janvier 1954, la situation évolue, le PCF dans un appel du bureau politique diffusé largement auprès des enseignants appelle ses adhérents instituteurs à mettre fin à leur double affiliation et à militer à la FEN autonome.
Le processus engagé pour les instituteurs va se développer « naturellement » pour les autres corps d’enseignement.
Nous pouvons supposer à la lecture des comptes-rendus d’instances, des notes des uns et des autres que les hauts dirigeants de la CGT et certains militants communistes savaient que le PCF allait prendre la main mais ils auraient préféré que la décision de mettre fin à la double affiliation soit prise par la FEN-CGT.
La décision du PCF est discutable et contraire à l’idée que nous nous faisons des rapports entre politique et syndicalisme aujourd’hui, mais dans le contexte de guerre froide de l’époque, ce n’était pas une exception puisque la SFIO (parti socialiste) avait demandé à ses adhérents en 1951 de quitter la CGT.
À ce stade, nous pouvons nous permettre une digression. Les organisations syndicales sont des enjeux politiques et l’objet de luttes d’influence idéologique. De manière plus pragmatique pour les partis, elles sont considérées comme des relais d’audience auprès des salariés. Organisée en tendance sur la base de courants de pensées marqués politiquement, la FEN autonome a été longtemps l’objet de luttes de Pouvoir entre le PCF, la SFIO puis le PS et l’extrême gauche.
La droite et l’extrême droite font régulièrement des tentatives de création de syndicats.
La question au sein de la CGT, en ce qui concerne les enseignants, a perduré quasiment jusqu’aux années 90 et été exacerbée dans les années 80 lors des tentatives de recomposition syndicale et des débats autour du programme commun entre le PCF et le PS. Parfois, en reste-t-il quelques traces aujourd’hui ?
1954-1959 : La traversée du désert
Cette décision a pour effet de vider la FEN- CGT de ces « doubles affiliés », il en reste encore deux dans la direction en 1959. Jacqueline Marchand constate la difficulté que va créer la nouvelle situation et démissionner de son mandat de secrétaire générale. C’est le syndicat des centres d’apprentissage qui assure une certaine pérennité de l’activité fédérale tout au moins Charles Artus son secrétaire général indique à la Confédération que le courrier pour la fédération est à lui adresser.
Une convocation à la Commission Administrative du 17 mars 1955 illustre les difficultés, elle est signée par cinq camarades : Marie Thérèse Janvier et Charles Artus (centre d’apprentissage), Talouarn (agents de lycée) Drubay (double affilié, second degré) et Jarry (personnel administratif du Ministère).
Elle précise que « la CA ne s’est pas réunie depuis plusieurs mois, que le bureau a travaillé dans des conditions difficiles, que l’amenuisement des effectifs de double affiliés a réduit l’importance de la Fédération ».
Le rapport accompagnant la convocation et devant servir à la discussion est encore plus éclairant, il constate « qu’un certain nombre de syndiqués des organisations autonomes ont décidé de ne plus adhérer à la FEN-CGT. Plusieurs membres du Bureau fédéral ont donné leur démission en juin dernier et la FEN-CGT cessant de se manifester, beaucoup ont pensé qu’elle avait disparu. »
Quels sont les objectifs que propose le bureau en constatant qu’il n’est pas question de redonner à la FEN-CGT son rôle antérieur -mais elle doit assurer certaines fonctions- fonctions limitées, il importe de bien les définir :
1) maintenir les rapports entre les divers personnels de l’éducation nationale,
2) Examiner les problèmes généraux intéressant toutes les catégories de l’éducation nationale, en perspective ; l’unité de tous les enseignants, avec la fonction publique et avec la classe ouvrière, faire entendre la voix des personnels de l’éducation nationale dans la CGT.
3) Faciliter la prise de la carte CGT par les syndiqués du SNI, du SNES, du SNET (technique long) etc.... qui le désirent. Organiser la collecte des cotisations.
4) Faire que les doubles affiliés tout en développant leur activité dans les organisations autonomes participent à la vie des UL (Unions Locales) et UD (Unions Départementales) et notamment à la vie des sections départementales de l’UGFF.
La responsabilité de la Fédération vis-à-vis des doubles affiliés est peu claire. Ils militent professionnellement dans les organisations autonomes et interprofessionnellement dans les UD/UL et à l’UGFF, la Fédération se contentant de collecter les cotisations et de mener une bataille d’idée. Cette posture est- elle tenable ?
Dès l’origine, le rôle de la Fédération est mal appréhendé et pourtant son besoin ressenti, paradoxe ou contradiction ? Avec le recul, il faut bien admettre que dès cette époque, les points 3 et 4 des propositions du bureau ne correspondent plus à la réalité et sont obsolètes.
L’initiative prise ne semble pas donner les résultats escomptés. En 1958 il est décidé d’organiser un congrès qui se tiendra en juin 1959. Le constat est désastreux, il n’y a plus de direction, plus de réunions statutaires, plus de bulletins, les cotisations et la situation financière sont incertaines, un bureau provisoire est mis en place et tente de remettre l’appareil de direction en ordre de marche « dans le cadre de la situation réelle (modeste) en insistant sur la nécessité de conserverie cadre d’une FEN-CGT ».
Il est décidé d’une réunion avec un membre du Bureau confédéral et de la préparation régulière d’un congrès.
1959-1971 : le renouveau
La rencontre a lieu avec Léon Mauvais (membre du Bureau Confédéral) qui juge utile de préciser que la CGT n’a jamais voulu faire disparaître la FEN-CGT, qu’elle a un rôle intéressant pour l’unité des personnels et enseignants et propose que le bureau soit composé essentiellement de camarades appartenant aux syndicats CGT. Drubay (double affilié) donne son accord. Une conférence nationale sera organisée préparatoire au congrès.
Elle a lieu le 8 février 1959, elle est suivie par Madeleine Colin (membre du BC). Tous les syndicats de la Fédération sont représentés. Après avoir examiné les revendications et appelé à un front unitaire, la conférence décide la tenue d’un congrès à Paris et élit un bureau provisoire, Claude Bitteroff du SNETP (centre d’apprentissage) en assure le secrétariat.
Le dimanche 14 juin 1959, le congrès se réunit de 9 H à 13 H avant le congrès de la CGT.
Il est composé des délégués au congrès confédéral (16) et des membres de la CA. L’ordre du jour est simple : modification des statuts, fixation de la cotisation, élection de la CA et du Bureau. Pas de plateforme revendicative ni programme d’action, le rapport présenté trace comme perspective : prendre sa place dans le combat de la classe ouvrière et nous mettre au premier rang de la lutte laïque.
Les instances dans lesquelles sont représentés tous les syndicats sont mises en place, Claude Bitteroff est élu Secrétaire Général. Le débat, outre l’activité des syndicats, porte sur les sections départementales et une question statutaire, certains s’interrogeant sur la nécessité de garder la dénomination FEN pour la Fédération.
Le congrès de 1961 constitue une nouvelle étape et une affirmation de l’existence de la FEN-CGT, elle tente de s’installer dans le paysage syndical et social, le rapport oral est présenté par Paul Castel du SNETP (qui sera Secrétaire Général de 1961 à 1979 de la FEN-CGT) souligne que la Fédération est reconnue par les partis de gauche et prend sa place dans les luttes syndicales. Il se félicite de la réponse du CNAL « les dirigeants n’ont pas considéré notre fédération comme quantité négligeable, ce qu’ils faisaient avant et ils ont dû nous répondre ».
Une démarche est engagée pour rechercher les revendications communes susceptibles d’être mobilisatrices pour les syndicats de la Fédération au-delà des revendications générales de la CGT, celles qui sont propres aux fonctionnaires ou celles plus catégorielles des syndicats.
Le mouvement syndical est dans une phase ascendante et des délégués constatent que des camarades autonomes veulent adhérer (Note de Paul Castel - Discussion). Charles Ravaux, secrétaire général du SNETP, rappelle « qu’il ne faut pas se livrer à du débauchage ». C’est aussi, la période au cours de laquelle va se créer officiellement, en 1966, la tendance UA au sein de la FEN. Le lien entre militants communistes était assuré jusqu’en 1966 par « l’Ecole et la Nation », journal du PCF en direction des enseignants. La création de la tendance se fait en accord avec Henri Krasucki, responsable des intellectuels au sein du Parti.
Jusqu’en 1979, les rapports oraux aux congrès de la FEN-CGT seront construits sur le même modèle. Tout d’abord une approche générale et le rôle de la CGT puis les fonctionnaires, ensuite l’activité des syndicats de la Fédération et les initiatives de la Fédération souvent en termes de soutien ou d’impulsion dans la diffusion de la presse confédérale (VO, Antoinette), la formation syndicale, l’action sociale ou en termes de résonance des initiatives de la CGT. En fin de rapport, la situation internationale et les luttes pour la paix.
En 1961, l’accent est aussi mis sur les moyens à donner à la Fédération : « renforcement en faisant monter à tous les organismes de direction de nouveaux camarades qui déchargent de leur tâche ceux qui y sont déjà. Paul Castel dans son rapport oral (page 34) trouve utile de rappeler « que si la Fédération est amputée, puisque le plus grand nombre des enseignants se trouvent au sein de la FEN Autonome, elle appartient à la plus grande centrale syndicale française et que notre Fédération a la sympathie des camarades toujours nombreux qui, dans la FEN Autonome, agissent pour que celle-ci se place sur les positions de la classe ouvrière ... ».
De 1963 à 1971, la Fédération se développe, elle est passée de 11 000 adhérents en 1961 à 24 000 en 1964 et 60 000 en 1979.
(Voir encadré « évolution des effectifs entre 1961 et 1979 » en dernière page).
En 1964, des syndicats se créent, le SNPES (syndicat national des personnels de l’enseignement supérieur), transformation du syndicat des agents de lycées en syndicat général des agents des services économiques et techniques de l’Education nationale (SGASETEN) ancêtre du SGPEN, qui regroupe le syndicat des personnels techniques des laboratoires et le syndicat des personnels administratifs du Ministère.
Au ministère des Affaires culturelles se créent le syndicat des personnels de surveillance et de gardiennage, le syndicat des ouvriers et jardin, le syndicat des personnels techniques et administratifs, ils se regrouperont dans le SGAC (syndicat général des affaires culturelles), avec le Mobilier national, la manufacture des Gobelins et celle de Sèvres.
En 1971, le syndicat des professeurs libres et laïcs devient le SNPEP (syndicat national des personnels de l’enseignement privé) qui deviendra le SNPEFP (syndicat national de l’enseignement privé et de la formation professionnelle). En 1972 le syndicat de l’AFPA (association pour la formation des adultes) est transféré de la fédération de la construction à la FEN-CGT ainsi qu’en 1973 le syndicat des CROUS (centres régionaux des œuvres universitaires) qui était à la fédération du commerce.
Le syndicat des directeurs de MJC (maison de jeunes et de la culture) se transforme en Union générale des syndicats de personnels des MJC, le SNETP crée un groupement national des directeurs d’établissement. Toutes ces évolutions se réalisent sans grande cohérence (d’ensemble) et sans aucune maîtrise par la Fédération des choix opérés par les uns et par les autres d’autant que souvent, comme l’enseignement privé et la formation professionnelle, les syndicats des associations calquent leur mode de fonctionnement sur ceux de la fonction publique.
Si les congrès fédéraux se tiennent toujours à l’occasion du congrès confédéral, leur durée s’allonge d’une demi-journée à une journée, puis une journée et demi, le nombre de délégués augmente de 35 en 1961 à 75 en 1965. L’activité spécifique se développe. Des journaux fédéraux sont édités régulièrement « l’école et l’université dans l’action syndicale » supplément à « La tribune des fonctionnaires ».
En 1965, il est décidé la mise en place de sections départementales et des collectifs de travail.
Un bilan est tiré en 1967 qui met en évidence les difficultés de mise en place liées à la disponibilité des militants absorbés par les tâches dans leur syndicat. Seules, deux sections, ont été créées, il est décidé de s’orienter vers la mise en place de sections régionales avec une coordination départementale souple là où c’est possible.
Le congrès insiste sur la nécessité d’appropriation par les syndicats des décisions fédérales. Un constat mitigé de l’activité est fait, les réunions du bureau fédéral sont irrégulières, la discussion est limitée, les décisions ne sont pas reprises et il n’y a pas de compte-rendu dans les syndicats dont certains participent de moins en moins aux instances. Mais lors de rencontres fédérales au cours desquelles sont présents les responsables de syndicats l’unanimité se fait toujours verbalement pour renforcer la Fédération, car ces difficultés sont analysées comme une crise de croissance.
En 1969, malgré le souffle apporté par mai 68, le rapport d’activité au congrès dénonce le corporatisme « On ne s’occupe que de « ses » problèmes sans regarder ce qui se passe à côté ».
Le syndicat le plus important (les agents) ne participe plus aux réunions du bureau fédéral, les droits syndicaux conquis en 1968 ne profitent pas à la Fédération. En 1967 aucun permanent fédéral et 4 permanents dans les syndicats, en 1969 : 1 permanent fédéral et 8 dans les syndicats. Si des difficultés internes persistent, la FEN-CGT est de mieux en mieux reconnue par les institutions et les ministères. En 1971, elle est reçue es qualité par le ministre et participe aux négociations qui ont lieu à l’Education nationale. L’année 1971 marque une embellie et la Fédération semble trouver ses marques, les sections locales prennent forme (Isère, Puy de Dôme, Provence Alpes Côte d’azur, llle et Vilaine, Aquitaine ...). Elles développent une activité à la satisfaction des syndicats qui y contribuent.
Elle est représentée dans les organismes sociaux et lance une pétition (7000 signatures) pour l’amélioration des organismes sociaux, elle organise les recours juridiques, les stages de formation syndicale, des journées d’étude sur la main d’œuvre féminine, soutien ses syndicats et participent aux initiatives aussi bien corporatives que de caractère général.
Dans son document d’orientation (inspiré d’une journée d’étude tenue en 1970 sur le rôle de la Fédération), elle précise ses tâches, constate que l’obstacle principal est la difficulté à déterminer un programme suffisamment précis sur des revendications spécifiquement fédérales communes à tous les personnels, le constat est fait qu’elles existent mais sont déjà appropriées par les syndicats.
Elle tente de répartir les rôles et de discerner ce qui est porté par la CGT, l’UGFF, la Fédération et les syndicats nationaux, elle définit ses revendications par branche d’activité. Si ces objectifs restent généraux, ils servent de base pour des initiatives d’action fédérale.
Après le constat que les congrès ont été plus des assemblées générales d’un cartel de syndicats et qu’ils traitent souvent plus de l’activité des syndicats que de l’activité et des perspectives fédérales, la direction décide de s’orienter vers un congrès où se discutent les problèmes de caractère fédéral, de réaffirmer le rôle de la FEN-CGT et de populariser les objectifs.
1972-1979 : La crise
En 1973, le créneau revendicatif n’est toujours pas trouvé, tout est dans tout et pour la première fois aucune résolution sur l’organisation et le renforcement n’est votée.
Le débat sur la syndicalisation des enseignants à la CGT, depuis 1954, perturbe l’image de la Fédération. Cet élément de mise en cause de sa légitimité dans la CGT prend de l’ampleur. L’échec de la tentative du SNETP de se rapprocher du SNETAA et de fusionner les deux organisations dans la FEN Autonome en 1970 et le 37è congrès confédéral qui a pour thème « CGT partout et pour tous », paradoxalement, contribuent à renforcer l’idée d’une ouverture de la CGT à tous les enseignants. Le débat déborde le seul SNETP. Dans la recherche, le SNTRS s’interroge, vis-à-vis des chercheurs. Le SGAC a, dans son Ministère, des écoles d’Art et d’Architecture et pense à s’adresser aux enseignants de ces établissements.
La direction du SNETP freine ; en 1979 le secrétaire général du SNETP, dans une longue intervention au CCN de la CGT déclare « Il faudrait encourager les enseignants à ne pas déserter le combat dans la FEN comme malheureusement certains le font aujourd’hui.... » , La direction confédérale s’oppose, la Fédération se débat entre des positions inconciliables.
Les difficultés s’accumulent, des désaccords apparaissent entre syndicats sur la titularisation des non-titulaires (concours ou pas ? niveau de titularisation ? ...), Mais aussi sur les champs de syndicalisation (SNPESB et SGPEN : des ouvriers
professionnels et personnels administratifs du second degré travaillent au sein des universités et qui doit les syndiquer ? Les représenter dans les organismes paritaires ?),
En 1976 le SGPEN demande son affiliation directe à l’UGFF et un conflit l’oppose à la CGT concernant les cotisations En 1977, faisant suite à de nombreuses rencontres entre les syndicats, un document, « LIEN n°33 », tente de préciser le rôle, les prérogatives et le champ d’intervention des différentes structures entre l’UGFF, la FEN- CGT et les syndicats nationaux. Avec le recul, la lecture du document montre l’ambiguïté de la situation puisqu’il définit la Fédération par la négative :« face à la FEN Autonome, elle (FEN-CGT) n’est pas une Fédération, la FEN a en face d’elle la CGT comme centrale syndicale, l’UGFF comme fédération de fonctionnaires et les syndicats nationaux de la CGT face à ses propres syndicats », les raisons invoquées sont l’absence de la masse des enseignants au sein de la FEN-CGT, elle ne peut parler en leur nom. Avec ce raisonnement, il n’est pas étonnant que l’idée de les syndiquer vienne à l’esprit d’un nombre de plus en plus important de militants de la Fédération, d’autant que rien dans les statuts de la CGT ne justifie leur mise à l’écart. Seule une divergence d’appréciation sur les stratégies vis-à-vis d’un rapport de force interne à la FEN pouvant exister en considérant que le courant UA serait affaibli.
Le rôle de la Fédération n’étant défini que comme un relais pour une meilleure prise en charge des questions générales, pour diffuser les idées de la CGT, assurer une coordination et favoriser l’unité, définition datant déjà de 1959.
La FEN-CGT a vécu et en 1979, la décision est prise de changer de sigle.
1979-1985 : une phase transitoire
Paul Castel quitte le secrétariat général et c’est Guy Dupré, ancien secrétaire général du SNTRS qui devient le Secrétaire général de la Fédération.
Le fait qu’il ne soit pas enseignant est plus que symbolique. Le reproche étant fait à tort ou à raison de trop s’occuper des questions de l’éducation nationale et de délaisser les autres secteurs. Il est possible aussi que la Confédération ait pensé atténuer ainsi l’image trop « enseignante » de la Fédération ?
C’est une période pendant laquelle les débats politiques, compte tenu de l’engagement de la CGT pour le Programme Commun et sa rupture en 1977 entre les partis de Gauche, traversent le syndicalisme et parasitent sérieusement l’activité. Les restructurations industrielles pèsent sur le climat social. Au plan international, en Europe, le Franquisme et le Salazarisme sont défaits, dans le monde, la guerre du Vietnam se termine, mais les Américains prennent leur revanche au Chili et l’intervention soviétique en Afghanistan et les évènements sociaux, les grèves en Pologne troublent les militants. L’ensemble de ces questions engendre des débats qui sont parfois tranchés par des anathèmes ou des décisions autoritaires de sommet.
Le syndicalisme s’est affaibli et un débat initié par les directions syndicales sur l’outil syndical dont on a besoin face à la crise ébranle les organisations. D’autant que certaines directions sont soupçonnées de vouloir, par ce biais, imposer leur point de vue. En 1979, donc, le document d’orientation, après des considérations générales et la définition de revendications communes revient sur le rôle de la fédération : « porteuse des orientations et activités de la CGT en les adaptant à la diversité de situation de ces secteurs, animatrice des revendications liées à la Fonction publique, coordinatrice et incitatrice de revendications communes aux organisations de l’éducation, la recherche, la culture ». Tout un programme.
Au plan des structures, elle fait le constat qu’elle n’a pas l’autorité suffisante pour gérer les conflits qui surgissent entre ses syndicats et déplore les accords de façade sur les orientations du Congrès de 1976 qui n’ont donné lieu à aucune application en raison de la non contribution des organisations aux décisions prises (Lien N°40).
En 1982 : le 1er congrès de la FERC-CGT à Tours se tient sur le thème « de quelle fédération nos syndicats et leurs adhérents ont-ils besoin ? ».
Le rapport d’activité, après un long rappel historique sur les évolutions de la FEN-CGT donne les raisons qui motivent la transformation en FERC, rappelant les désaccords sérieux entre organisations sur les problèmes de fond et la nécessité de répondre au 40ème Congrès de la CGT qui s’était tenu en 1978 à Grenoble sur le syndicalisme dont on a besoin.
En fait le rapport fait le constat que « certains syndicats nationaux de la fonction publique jouent, de fait, un rôle de type fédéral dans leur secteur et contestent les initiatives de la FERC dans des domaines qu’ils considèrent de leurs seules prérogatives ». Que les syndicats du secteur d’éducation populaire ne participent pas au secteur fédéral qui les concerne et pointe un décalage entre les interventions de la direction de la FERC auprès des ministères et autorités de tutelle et l’activité des organisations qui sont présentes sur le terrain.
Cette volonté de la nouvelle direction fédérale d’intervenir sur des champs syndicaux conçus par les syndicats nationaux comme des prés carrés et un manque de concertation reproché par ces derniers à la direction fédérale va accentuer les difficultés, dont une, est pointée par le rapport d’activité. Celle du rôle politique à faire jouer à la Commission exécutive « les composantes considérant la CE comme une réunion des « représentants des syndicats nationaux » pour rechercher un consensus plutôt que pour définir une politique fédérale et la mettre en application ».
Même si la direction considère que les moyens mis à sa disposition ne sont pas à la hauteur de l’enjeu, les instances fédérales se sont renforcées, le bureau fédéral compte 13 membres dont 6 permanents à temps complet et 2 à temps partiel, un secrétariat est mis en place, il est envisagé de faire travailler des branches professionnelles et à nouveau la perspective de collectifs fédéraux départementaux est envisagée. Dans la période qui va suivre, les tentatives d’initiatives de caractère fédéral, visant à mobiliser, rassembler ou aider vont se heurter aux syndicats nationaux qui parfois ne sont pas consultés, parfois contestent l’initiative, rarement s’en emparent.
À la veille du 2ème Congrès en 1985, la direction fédérale est contestée, si le projet d’orientation est adopté au Conseil national fédéral par 38 voix pour et 18 voix contre (SGPEN, SNTRS, INRA), y compris parmi les pour, un large accord se fait pour changer la direction.
Le document, outre, l’analyse générale et la plateforme revendicative, repose la question de l’outil syndical. Sur ces questions, des évolutions sont intervenues. Parallèlement à l’UGFF qui s’oriente vers la mise en place d’une Fédération de Fonctionnaires commune à la fonction publique d’Etat et aux collectivités locales, certains syndicats nationaux, considérant que le niveau local est à responsabiliser ont entamé leur transformation.
Le SNPESB (enseignement supérieur) est devenue une union nationale des syndicats de l’enseignement supérieur (UNSES) en transformant ses sections en syndicat d’établissement, le SNETP s’oriente vers la mise en place de syndicats départementaux et le SGAC (affaires culturelles) devient union des syndicats des personnels des affaires culturelles (USPAC). Il s’agit à terme de donner à la fédération la base nécessaire à son activité en permettant aux syndicats locaux d’adhérer directement à la fédération et d’intégrer les syndicats nationaux comme secteur de coordination de l’activité professionnelle dans la Fédération dans l’attente des évolutions ultérieures au sein de la fonction publique.
Ces orientations font débats, les syndicats de la recherche (SNTRS, INRA...) et le SGPEN pour des raisons différentes y sont opposés. Les premiers avancent deux arguments, les organismes de recherche sont hyper centralisés, les statuts des personnels et leur gestion sont nationaux et, décentraliser l’activité syndicale conduirait à perdre en efficacité face à une direction monolithique.
Le deuxième argument est plus idéologique, ils craignent la perte de la maîtrise de leur politique revendicative et une mise au pas « politique » de la part de l’UGFF. Ils se fondent sur les désaccords qui sont survenus entre eux et l’UGFF sur la conception du statut au moment de la titularisation des contractuels de la recherche en 1982 et des pressions exercées.
Le SGPEN craint de perdre son identité vis-à- vis des enseignants qui souhaiteraient au niveau local le regroupement des syndiqués ATOSS et enseignants dans les Syndicats départementaux de l’éducation nationale (SDEN). Depuis les années 70, il songe à se désaffilier de la Fédération. Le clivage entre enseignants et personnel ATOSS est fort à l’éducation nationale. Ces derniers n’ont jamais été vraiment intégrés comme membre, à part entière de la communauté éducative et ce n’était pas non plus une de leur revendication principale. Les uns et les autres ont donc tendance à reproduire dans la CGT les mêmes comportements et clivages malgré les efforts de quelques militants et dirigeants pour les surmonter.
1985-1994 : Un essai de mutation au milieu du gué
En 1985, une nouvelle direction plus restreinte est élue au Congrès de Creil et Joël Hedde, ancien secrétaire général du SNPESB devient secrétaire général de la FERC.
Le Bureau composé antérieurement de militants n’ayant pas de responsabilité dans leur syndicat est composé des secrétaires généraux des syndicats, l’objectif étant que les décisions prises en commun soient effectivement répercutées dans les organisations par leur premier responsable.
Cette démarche aura des effets mitigés, car de toute façon, parfois, les secrétaires généraux exprimaient leur accord à des propositions qui sur le fond ne leur convenaient pas et « oubliaient » d’en rendre compte dans leurs instances. La plus significative fut celle qui décida de mettre en place un journal Fédéral commun aux organisations qui le souhaitaient. Malgré un accord de principe, seule la FERC-SUP joua réellement le jeu.
Entre 1985 et 1991 le débat porte sur trois questions qui vont avoir des incidences les unes sur les autres : la conception de l’activité fédérale et son contenu, l’ouverture du champ de syndicalisation à tous les enseignants, l’outil syndical et son évolution, le tout sur fond de tentatives de recomposition syndicale autour d’un axe FEN-CFDT et de débat politique à gauche PS-PCF.
Sur la conception de l’activité fédérale et son contenu, le rapport d’activité au congrès de Super-Besse en 1988, tout en rappelant les désaccords entre les organisations sur l’appréciation à porter sur les évolutions structurelles de la société, pointe trois axes sur lesquels la fédération a occupé un créneau revendicatif et pris des initiatives :
– L’outil de travail notamment en organisant des rencontres nationales sur le service public d’enseignement, de recherche, de culture avec pour objectif la mise en cohérence des revendications et le démarrage d’un travail et d’une expression commune au sein des branches fédérales,
– l’emploi et notamment l’emploi précaire avec une initiative permettant l’expression des TUC (travail d’utilité collective) des différents secteurs de la fédération,
– le pouvoir d’achat et la protection sociale en participant activement aux initiatives confédérales et en les impulsant.
Il s’agit essentiellement pour la nouvelle direction fédérale de décloisonner l’activité de ses organisations et de permettre une expression et des démarches communes quand il y a plusieurs organisations dans un même lieu de travail. Bien que la préparation du congrès se soit réalisée de manière décentralisée avec des réunions des composantes dans une trentaine de départements, il apparaît que localement peu de contacts existent entre les syndicats ou sections syndicales qui exercent leur activité sur un même lieu de travail. L’université est une caricature dans ce domaine, dans un même établissement peuvent coexister l’UNSES, le SNTRS, l’UN CROUS et parfois des syndiqués du SGPEN sans jamais se rencontrer et souvent ne se connaissant même pas. La relation avec les UD étant pour le moins « ténue ».
Sur la syndicalisation des enseignants. En 1984, la présentation massive de listes FO aux élections aux commissions paritaires et les résultats obtenus (14,82% dans le second degré, 11,36% dans le primaire), outre qu’elle modifie les rapports de force syndicaux dans la Fonction publique, ravive le débat au sein de la CGT et les incompréhensions vis-à-vis de sa position de maintien du statut quo.
Cette contradiction parasite l’activité. La FERC en accord avec le SNETP décide d’ouvrir la syndicalisation des enseignants à tous ceux qui le souhaitent. Les lieux d’accueil sont les SDEN. Un collectif constitué d’instituteurs et de professeurs de collège et de lycée est mis en place au niveau fédéral.
Un « Lien » spécial enseignant est publié en août 1986 pour être diffusé à la rentrée scolaire. Une discussion a lieu avec les premiers adhérents sur la forme de travail à impulser d’autant que, pour un certain nombre, ils sont issus d’un syndicat le SUPEN (syndicat unitaire des personnels de l’Education nationale) qui s’était constitué à partir des enseignants souhaitant se syndiquer à la CGT ou rester à la CGT quand adhérents du SNETP, ils devenaient certifiés ou agrégés. Il se fixait pour objectif son affiliation à la FERC qui l’avait refusée par deux fois. Il est convenu de ne pas recréer des syndicats catégoriels mais que le SNETP, dans le cadre des orientations fédérales et de la perspective de sa transformation en UNSEN, les accueille.
Le 3eme congrès de la FERC tenu à Super- Besse en 1988 décide donc « de permettre aux enseignants qui le souhaitent de s’organiser dans la fédération pour défendre leurs revendications, agir pour un autre système éducatif et ce avec les autres travailleurs du Pays ». Le 26eme congrès du SNETP avait pour sa part confirmé la démarche fédérale dans son document d’orientation.
Parallèlement, à son 42eme Congrès en 1985, la CGT avait pris en compte les questions d’enseignement et arguait, avec raison, que ces questions concernaient tous les salariés et donc toute la CGT. Elle s’en sert, également, pour freiner le débat sur la syndicalisation, ce que reconnaîtra explicitement, mais en endossant la responsabilité, la secrétaire confédérale chargée des questions d’enseignement, dans un rapport au bureau confédéral du 19 septembre 1990 concernant la présentation de listes FERC-CGT aux CAP d’instituteurs en décembre 90 « ... J’ai toujours défendu la ligne adoptée par le bureau confédéral, même si mon opinion personnelle était inverse, j’insiste sur cet aspect de façon un peu solennelle : je n’ai jamais encouragé la syndicalisation et j’ai même tout fait pour freiner, considérant que seule une décision en accord avec toute la CGT devait et pouvait régler la question... ».
Le 42eme Congrès décide la parution d’un journal confédéral en direction des enseignants, « IJKL », dont le premier numéro paraît en février 1987 et après huit numéros le dernier en mars 1989. La diffusion donne lieu à polémique, certaines UD refusent de le diffuser, l’UD93 interdit même au SDEN de le faire.
En 1990, l’UNSEN, soutenue par la Fédération, est en capacité de présenter une dizaine de listes départementales et une liste nationale aux élections aux CAP d’instituteurs. Fin septembre 1990, une rencontre de la FERC a lieu avec le Bureau Confédéral qui tente de la dissuader. La fédération maintient sa position. Le bureau confédéral, le 29 septembre 1990 rencontre la tendance UA de la FEN.
La CGT ne fait aucune déclaration publique mais un courrier, daté du 30 octobre, adressé par Louis Viannet, secrétaire confédéral, aux UD, tout en reconnaissant le droit pour la FERC de maintenir sa position, leur demande « ...Là où elles seraient sollicitées, n’ont pas à cautionner, ni à faciliter cette initiative de la FERC en direction des enseignants du primaire, et ont toute latitude, si cela s’avère nécessaire, de rappeler la position de la CGT en la matière ».
Au 44ème Congrès en 1991, la FERC dépose un amendement demandant la syndicalisation des enseignants à la CGT, après discussion, il est rejeté par un vote par mandat, 36% pour, 64% contre.
En 1992 la scission de la FEN est consommée. La commission exécutive de juin 92, du bout des lèvres, décide d’ouvrir les portes à tous les enseignants.
Sur l’outil syndical et son évolution. Depuis la fin des années 70 et la perte de plus en plus forte des syndiqués, au-delà des questions liées aux pratiques syndicales et à la démocratie, au-delà de la désindustrialisation qui frappe nombre de secteurs, la CGT s’interroge si les structures syndicales sont bien adaptées aux évolutions en cours. Dans la fonction publique avec la mise en œuvre de la décentralisation et la régionalisation, la multiplication des instances de décision où la présence syndicale est nécessaire, mais conforte la délégation de pouvoir, certains syndicats nationaux ont commencé à décentraliser leur activité, en essayant de développer un syndicalisme de plus grande proximité, en essayant aussi de responsabiliser davantage le niveau local.
En avril 1985, au congrès du Mans, dans son projet d’orientation commun avec la fédération des services publics, l’UGFF fait le constat que « le syndicat national reste au sein de la CGT la structure fédérative principale, que les Fédérations sont des superstructures sans relais territoriaux, que l’UGFF est de fait un triple niveau fédératif et reflète en synthèse tous les retards du syndicalisme des fonctionnaires (proposition doc d’orientation, « Services Publics » n° 45 page 10, 2.12/2.15/2.16) ». Elle propose une nouvelle Fédération de fonctionnaires associant service public et UGFF, des syndicats CGT dans chaque entité administrative regroupant indistinctement les personnels, eux-mêmes regroupés au niveau départemental et régional. « Exit les syndicats nationaux ».
Face au désaccord des grands syndicats nationaux, tel le SNADGI aux Finances, le SNPTTE à l’Equipement, le SGPEN et les syndicats de la Recherche de la FERC, au cours du congrès la direction de l’UGFF fait volte face et ce qui était l’essentielle, la transformation du niveau local en véritable syndicat est abandonnée, seules les perspectives d’une grande Fédération de fonctionnaires subsistent. « Come-back les syndicats nationaux ».
Les syndicats qui avaient soutenu l’initiative (SNETP, UNSES, USPAC...) se retrouvent minoritaires. Au congrès de 85, la nouvelle direction de la FERC décide de prendre en compte les réalités et de diversifier son approche : permettre à ceux qui le souhaitent de continuer leur transformation et à terme de s’intégrer comme secteurs fédéraux. En 1988 le congrès décide des modifications statutaires dans ce sens et pour ceux, qui, pour diverses raisons, souhaitent maintenir leur mode de fonctionnement, il s’agit de participer au travail en commun dans les branches fédérales sans que la question des évolutions fédérales soit source de blocage.
Un document « spécial organisation » dans le « courrier de la FERC » est publié en octobre 87 et sert de base à l’orientation fédérale adoptée au 3è congrès les 31 mai-3 juin 1988 à Super -Besse.
Dans cette période, quelle est la situation ?
À son congrès de Dieppe, le SNETP a décidé de se transformer en UNSEN, l’UNSES se prépare à intégrer la Fédération en secteur (FERC SUP) ce qu’elle fera partiellement au congrès de 1991.
Trois initiatives vont contribuer à entretenir la division au sein de la Fédération et contribuer à polluer son activité :
– Le SGPEN dont la direction nationale a changé au congrès de Limoges en 1987, ne présente pas de candidat à la CE, se refuse à payer la part de cotisation fédérale, s’oriente vers une désaffiliation en demandant son rattachement à la Fédération des services publics qui refusera.
– Au CNRS, malgré un accord entre le SNCS- FEN et le SNTRS-CGT sur le champ de syndicalisation, les uns syndicalisant les chercheurs, les autres les ITA, le SNTRS à chaque congrès depuis 1978 se pose la question de la syndicalisation des chercheurs. Il subit des pressions de la part de la CGT, notamment l’UGICT, pour repousser à chaque fois sa décision. Mais en septembre 85, il se trouve, avec la fédération, mit par l’UGFF, soutenue par l’UGICT, devant le fait accompli de la création au CNRS d’un syndicat de chercheurs (USCA) rattaché directement à l’UGFF. Il s’agit d’une décision à caractère politique, les communistes à la direction du SNTRS étant catalogués de « refondateurs ». La direction de l’USCA est constituée par l’ancienne équipe dirigeante du SNCS-FEN qui avait été mise en minorité au congrès de ce syndicat et avait mené en son sein pendant un temps une activité de tendance « UA-bis » soutenue matériellement par le SNTRS. Pendant plusieurs années, ce syndicat mènera une activité parallèle sinon opposée à celle du SNTRS, présentant des listes concurrentes aux élections au CAES (comité d’action sociale du CNRS) et faisant apparaître la CGT particulièrement divisée. Il finira par intégrer le SNTRS en 1994.
– En 1989 un syndicat de Site est créé à l’Université de Montpellier regroupant les sections du SNTRS, le syndicat (UNSES) de l’Université et des enseignants du supérieur. Le SNTRS s’oppose, voyant dans la création de ce syndicat un moyen de contourner son orientation, et craignant que ce syndicat de Site ne fasse « tache d’huile », l’UNSES est partagée, elle ne voit pas comment articuler cette initiative avec sa propre orientation. La fédération l’analyse comme une expérience dont il faudra tirer un bilan mais qui peut s’intégrer à terme dans les évolutions possibles. Ces trois dernières initiatives vont mobiliser beaucoup de temps dans les instances et entretenir un climat conflictuel nuisible à l’activité.
En novembre 88, les deux congrès, Fédération des Services publics et UGFF, se tiennent de façon concomitante avec séance de clôture commune, conçu comme une étape décisive vers une fédération de Fonctionnaires.
Dans la préparation, la direction de l’UGFF a tenté de privilégier de manière artificielle la représentation des sections départementales qu’elles jugent plus favorables à ces objectifs, en faisant désigner des délégués sur la base des cotisations versées aux UD. (note de réflexion et de propositions, pour le secrétariat sur le 19è congrès de l’UGFF, archives confédérales). Outre le fait, que ce ne soit pas statutaire, les sections départementales n’existent que sur le papier et n’ont quasiment aucune activité. C’est un échec.
L’ensemble de ces questions entretient des conflits permanents entre les instances, crée la confusion, freine l’activité revendicative et décrédibilise les directions. Au congrès de Kaysersberg en octobre 1992, la direction de l’UGFF est mise en minorité, le congrès est suspendu dans la confusion et une direction provisoire collégiale (les secrétaires généraux des fédérations et des syndicats) est mise en place, chargée de reconvoquer le congrès dans l’année qui suit.
En 1991, sur la base d’un socle fédéral commun, la Fédération, l’UNSEN, l’UNSES et la branche associative préparent leur congrès respectif dans une démarche identique, le préambule du document commun précise « il s’agit de prendre en compte et de faire apparaître la cohérence des politiques revendicatives impulsées dans chaque secteur, les convergences de vues et d’action comme les diversités de situation, le fédéralisme doit être vécu comme les efforts de tous pour le renforcement de chacun et non comme l’accumulation de structures hiérarchisées ».
Le document insiste sur le travail collectif et l’appropriation des travaux de branches par les syndicats et préconise d’éditer un journal fédéral qui s’adresse à tous les syndiqués sous la responsabilité de toutes les composantes de la Fédération.
Dans sa partie spécifique, l’UNSES se transforme en secteur fédéral FERC SUP, il est prévu l’affiliation directe de tous les syndicats de l’UNSES à la FERC et se dote d’un règlement intérieur lui permettant de coordonner l’activité sur son secteur.
Le congrès de Morgat en 1994 est l’aboutissement de la réflexion sur les formes d’organisation. De la réflexion seulement, car que ce soit à l’UNSEN, la FERC SUP ou l’USPAC, pour ne parler que de ces trois organisations qui exprimaient leur accord, l’étape essentielle à franchir était l’affiliation directe des syndicats locaux à la fédération, elle ne fut jamais franchie ni par les uns ni par les autres. Les raisons en sont diverses et demanderaient sûrement un long développement, notamment sur les moyens à mutualiser et les mesures d’organisation qu’une telle orientation nécessitait. Mais surtout, une réflexion approfondie sur le syndicalisme lui-même, sa nature corporatiste et sa capacité à anticiper sur les évolutions de la société dans laquelle il tente d’agir pour pouvoir réellement peser sur celles-ci.
Si la preuve du pudding est qu’il se mange et si on peut appliquer ce principe à la Fédération, elle doit être « insuffisamment mangée ». Mais peut être n’était-ce pas une voie réaliste et un schéma trop théorique qui n’avait pas suffisamment de prise sur la réalité ?
En 1994, au congrès de Morgat, c’est Christian DUBOT, instituteur, qui devient Secrétaire Général de la FERC.
Il adresse à la direction confédérale une contribution qui résume la situation des rapports de force à l’Education nationale et les interrogations. S’appuyant sur le congrès de Morgat.
« Prendre des mesures de modifications structurelles pour bien identifier les différentes catégories, rendre visible leurs revendications et propositions, impulser leur activité. Nous proposons de nous acheminer progressivement vers l’affiliation des syndicats de base à la Fédération en collaboration avec les directions des unions syndicales et syndicats nationaux qui le décident. De mettre en place des secteurs largement autonomes, possédant des moyens financiers et de communication spécifiques ayant pour tâche d’impulser une activité propre aux catégories qu’ils représentent ».
Il concluait « bien qu’il faille continuer à s’interroger, il ne s’agit plus de réaffirmer des principes, mais de soumettre à la force des faits une orientation décidée en commun et d’en tirer l’expérience pour améliorer, modifier peut être, abandonner et éventuellement chercher d’autres voies, c’est seulement à ce prix que notre réflexion évoluera et pas seulement dans des débats théoriques qui ont toute leur valeur mais qui demandent essentiellement à être confrontés à la réalité pour être validés ou invalidés par la vie ».